Les semelles orthopédiques soulagent-elles les maux de dos?
AVIS D'EXPERT - Le professeur Richard Trèves, rhumatologue (CHU de Limoges), membre correspondant de l'Académie nationale de médecine, répond aux questions des lecteurs.
On dit que si l'être humain ne se tenait pas debout, il ne souffrirait pas ou peu du dos. Mais la station debout est à l'origine du développement du cerveau et de l'intelligence, et le mal de dos en serait la rançon… à condition de ne pas trop rester assis. Notre sédentarité accrue explique qu'aujourd'hui, 80 % de la population a déjà eu ou aura une douleur lombaire à un moment de sa vie.
Le mal de dos peut être lié à l'arthrose, à une anomalie de la courbure de la colonne vertébrale, comme une hyperlordose (exagération de la courbure) ou une scoliose (déviation de la colonne). Dans ce dernier cas, une inégalité de longueur des jambes peut s'y ajouter, qu'on mesure facilement par une radiographie du bassin de face, debout. Cependant, un traitement n'est pas systématiquement nécessaire, encore moins chez les personnes âgées de 70 ans ou plus, dont la colonne s'est accoutumée à cette bascule du bassin, ni chez les bébés, dont il peut arriver que les jambes soient d'inégale longueur dès la naissance.
En règle générale, on ne prescrit pas de semelles aux enfants. Il faut attendre la maturation locomotrice au cours de la croissance pour que les pieds plats et la démarche genoux et pieds en dedans disparaissent spontanément chez l'adulte, ces troubles étant normaux (et indolores) chez les plus petits.
Ce sont des séquelles de fractures qui créent le plus souvent une différence de longueur des jambes à l'adolescence. On ne prescrira alors le port de semelles orthopédiques que s'il y a mal de dos. Dans tous les cas, il est inutile de trop en faire en cherchant à compenser un équilibre qui ne demande rien avec une semelle dont la hauteur imposée, calculée arbitrairement (par exemple, en cas d'inégalité de 5 cm, une semelle de 2,5 cm), correspond à la moitié de la mesure de l'inégalité de longueur de la jambe. Une correction ne s'impose qu'en cas de douleurs et lorsque l'inégalité de longueur d'une jambe par rapport à l'autre dépasse 2 cm ; le port d'une semelle orthopédique, qui permet de rehausser le talon, peut alors être une bonne solution. Tant que l'inégalité de longueur entre les deux jambes n'est pas significative, une chaussure suffit.
Soulager les pieds plats douloureux
Initialement prescrites pour soulager certaines affections douloureuses du pied, telles que les pieds creux ou plats, les tendinopathies et les lésions traumatiques, il est apparu que ces semelles orthopédiques pouvaient également contribuer à rééquilibrer les appuis de la plante du pied, à faciliter la marche, voire à la stimuler, et à soulager les maux de dos. Dans le premier cas, les semelles dites de soutien comblent les creux sous les pieds afin de mieux répartir les charges : elles sont utilisées pour soulager les douleurs d'appui chez les personnes qui sont beaucoup debout, en surpoids, ou dont les zones d'appui sont restreintes (pieds creux, par exemple). Cependant, elles ne remplaceront jamais une perte de poids afin d'éviter de faire peser trop de kilos sur les talons au quotidien. Par ailleurs, si le pied se déforme à cause d'une attitude vicieuse ou d'une insuffisance musculaire, la semelle va plutôt figer les choses et empêcher une autorééducation, il sera alors impossible de s'en passer…
Les semelles de stimulation, fines et sans relief, constituent de simples surépaisseurs sur des zones précises du pied, afin de modifier les automatismes de posture au repos et durant la marche, et d'éliminer certaines douleurs. Mais pour qu'elles soient efficaces, il faut bouger. Les personnes sédentaires ou qui piétinent beaucoup n'en verront guère de bénéfice et devraient utiliser des semelles de soutien, même seulement « palliatives », c'est-à-dire sans effet thérapeutique.
Enfin, les semelles peuvent soulager les pieds plats douloureux, ce qui est assez rare, mais elles n'en changent pas l'évolution. En fait, comme pour la plupart des traitements, les semelles sont le plus efficaces avant l'apparition des troubles, c'est-à-dire lorsqu'ils sont encore réversibles ; leur utilité est moins évidente lorsque des années de gêne ont inscrit leur problème dans la démarche et l'ont « enterré ».
Il ne faut pas leur accorder plus d'importance qu'il ne faut pour soulager le mal de dos, car elles ne permettent pas de prévenir les douleurs dorsales et aucune preuve de leur efficacité en matière de traitement n'existe à ce jour, sauf éventuellement à titre d'appoint. De plus, leur fabrication de plus en plus complexe exige un matériel informatique sophistiqué, dont le coût se répercute sur le prix.
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/04/23/20410-semelles-orthopediques-soulagent-elles-mal-dos
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